Salut, bords où j’aimai ! Beaux arbres dont l’ombrage 
 Me couvrit tant de fois, 
 Quand j’allais, loin de tous emportant son image, 
 L’adorer dans les bois !
 Je vous revois sans trouble et sans mélancolie, 
 Le chant de ma douleur, 
 Comme un baume divin qui fait que l’on oublie, 
 A coulé sur mon cœur.
 Sur le même chevet, aujourd’hui tiède encore 
 De ma fièvre d’hier, 
 J’ai, sans rêver son nom, dormi jusqu’à l’aurore, 
 Ce nom jadis si cher !
 Et quand le souvenir s’est, à l’aube nouvelle, 
 Épanoui dans moi, 
 Mon premier vœu d’amour n’a pas été pour elle, 
 Il est allé vers toi,
 Vers toi, mon père aimé, vers toi, ma tendre mère, 
 Car vous m’avez tous deux 
 Appris, dès le berceau, les sentiers de la terre 
 Les plus voisins des cieux.
 Face à face aux deux coins du foyer qui rayonne, 
 Je vous entends d’ici 
 Vous dire : Quand jadis nous revenait l’automne, 
 Il revenait aussi.
 Oh ! faites de ma place au banquet de famille 
 Celle du voyageur, 
 Qui s’en vient, un moment, devant le feu qui brille, 
 Reprendre un peu de cœur.
 Cet autre voyageur que vous aimez sans doute 
 Y viendra quelque jour, 
 Vous demander enfin, au terme de la route, 
 Le baiser du retour.
 Par tous les champs, hélas ! semant nos destinées, 
 Nous allons, nous allons, 
 Puis à l’humble berceau de nos jeunes années 
 Enfin nous revenons.
 Ainsi je reviendrai : près du clocher rustique 
 Je ferai halte un soir ; 
 A celui qui revient son toit mélancolique 
 Garde un trésor d’espoir.
 Mais avant l’heure, hélas ! que de nuits dévorantes 
 Suivront de mauvais jours ! 
 D’un stérile renom promesses décevantes, 
 C’est le but où je cours.
 Et quand j’aurai conquis cette vaine mémoire, 
 Une voix me dira : 
 Insensé, qu’as-tu fait ? Nulle part n’est la gloire, 
 Le bonheur était là !
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