En été dans ta chambre claire, 
Vers le temps des premiers aveux, 
(Ce jeu-là paraissait Te plaire) 
On ouvrait parfois Baudelaire, 
Avec ton épingle à cheveux,
Comme un croyant ouvre sa Bible, 
En s’imaginant que le Ciel, 
Dans un verset doux ou terrible, 
Va parler à son coeur sensible, 
Quelque peu superficiel ;
D’avance on désignait la page 
À droite ou bien à gauche, et puis, 
Par un chiffre le vers, ce mage 
Qui devrait être ton image, 
Ou me dire ce que je suis.
Nous prenions du goût à la chose. 
Donc on tirait chacun pour soi 
Un vers, au hasard, noir ou rose, 
Dans ce beau Poète morose. 
Nous commencions, d’abord à Toi,
Attention ! Dans ta ruelle 
Tu mettrais l’univers entier. 
Vous riez ! bon pour Vous, cruelle ! 
Car ce vers Vous flatte de l’aile, 
Et c’est un compliment altier !
Un compliment comme en sait faire 
Un homme sagace en amour, 
Et qui fleure en sa grâce fière, 
Sous le style de La Bruyère, 
Son joli poète de Cour ;
Un compliment qui sent sa fraise, 
Son talon rouge, et qui, vainqueur, 
Allumant ses pudeurs de braise, 
Eût faire rire Sainte Thérèse, 
Chatouillée… au fond de son coeur.
Qu’il est bon ! oui !… mais moi… je gronde ! 
Y songez-Vous, avec ce vers, 
Quelle figure fais-je au monde, 
Dans cette ruelle profonde, 
Au milieu de cet Univers !
Ah ! fi !… Pardonnez-moi… Madame… 
Oui, je m’oublie !… oui, je sais bien… 
Toute jalousie est infâme… 
C’est un peu de vertige à l’âme, 
Ça va se passer… ce n’est rien…
Ah ! tant mieux ! je vous vois sourire. 
Continuons ce jeu si doux ; 
Mais avant, je dois Vous le dire, 
Afin d’éviter un mal pire, 
Si jamais je deviens jaloux,
Rejetez-moi, moi G, moi N, 
Moi, vilain monstre rabougri,
Rejetez-moi dans ma Géhenne ; 
Le jaloux n’est plus, dans sa haine, 
Rien… qu’un billet d’amour… aigri.
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