La belle qui fait mon supplice 
 A l’œil mutin, plein de malice, 
 Et son bras nu vaut un trésor ; 
 On voit qu’elle fut, en Espagne, 
 Bercée aux vents de la montagne, 
 Sous les baisers d’un soleil d’or.
 Sa taille est plus fine et gentille 
 Qu’on n’en vit jamais en Castille ; 
 Ses cheveux sont beaux à ravir, 
 Et l’éclair, au sein de l’orage, 
 Luit moins que son œil sous l’ombrage 
 Des bosquets du Guadalquivir.
 A Séville comme à Grenade, 
 Maint amoureux en embuscade, 
 Adore en ses brûlants tourments 
 Moins blanches dents, bouche moins rose, 
 Et va dépensant vers et prose 
 Pour des petits pieds moins charmants.
 Il lui plairait fort dans la plaine 
 De pousser jusqu’à bout d’haleine 
 Un noble et fringant palefroi, 
 Portant grelots à sa crinière ; 
 Puis d’agiter une bannière 
 Comme un héraut d’armes du roi.
 On voit à ses airs d’Andalouse 
 Qu’elle serait folle et jalouse 
 D’un amant, son heureux vainqueur, 
 Et que son stylet de Tolède, 
 A sa rivale, belle ou laide,
 Aurait bientôt percé le cœur.
 Elle est le rêve de ma vie, 
 Et chaque jour je meurs d’envie 
 Que son corset plus négligent 
 S’entrouvre aux brises sous les saules, 
 Pour que la lune à ses épaules 
 Attache un doux reflet d’argent.
 Non, jamais ineffable ivresse, 
 Dont le doux souvenir m’oppresse, 
 Jamais je n’oublierai le jour 
 Où sur son front posant ma lèvre 
 Je sentis une ardente fièvre 
 Avec un long frisson d’amour.
Soyez le premier à commenter