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Rien apprisAlain Bosquet

J’avais dans ma jeunesse une idée de ce monde

et jouais avec lui.
Ma connaissance en est-elle profonde ?

Trop de soleils ont lui

pour que je puisse me targuer de certitudes.

Je ne fais qu’un serment : ma vérité m’est suspecte et j’élude

le mensonge infamant.

Entre les deux, je crois établir l’équilibre :

je vis tant bien que mal, endormi sous ma peau ; parfois je vibre,

pareil à l’animal :

je me veux un renard, un paon, une belette.

À quoi bon repenser la matière ? elle est douce… À la sauvette,

je ne puis ressasser

que les tristes défauts de ma mémoire ;

je dois neutraliser l’événement, l’amour fumeux, la gloire,

tout cet être embrasé

qui ressemble au cyprès devenant une cendre

retournée à la mer.
Je suis sceptique et mon doute est si tendre,

que parfois je m’y perds.

Tout est confus en moi, malgré les analyses :

je suis l’ombre et l’objet, le squelette et son âme, une sottise !

mais si je m’engageais

à plus de fermeté, je serais la victime

de quelque parti pris ; ma tourbe est plus précieuse que les cimes.

Je n’aurai rien appris.

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Publié dansAlain BosquetPoètes

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