Aller directement au contenu

MeubleAlain Bosquet

J’ai fait l’effort en moi d’une métamorphose

et me voici divan : j’aurais pu être un miroir, un wagon, la chose

qui nie l’être vivant,

un sceau, un sécateur, la lampe qui s’éclaire,

une simple maison.
Je n’ai plus de conscience et je ne désespère

jamais de ma raison.

Je suis ce que je suis ; on me couvre de laine

pour m’abriter du froid : elle est bleue, elle est mauve ; on dit qu’un coussin

[traîne,

que le dos n’est pas droit,

qu’un brocart ferait mieux.
Doucement, je jubile,

sans être concerné.
Je n’ai pas de remords et je me rends utile

à quelque nouveau-né

ou à quelque vieillard qui s’endort, peu m’importe !

Je suis indifférent, même au tapis, même aux tendresses de la porte,

trop empressée.
Je prends

l’espace qu’on me donne : un objet qui s’occupe

dans son coin, sans discours.
Je mesure dix pieds, ne portant pas de jupe

ni de frange en velours.

Je resterai au même endroit, le fonctionnaire

de l’ennui, du confort dont on dit tant de mal : j’apprends à m’y complaire,

meuble acceptant mon sort.

Lectures : 0
Publié dansAlain BosquetPoètes

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *