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Un soirEmile Verhaeren

Avec les doigts de ma torture
Gratteurs de mauvaise écriture,
Maniaque inspecteur de maux,
J’écris encor des mots, des mots…

Quant à mon âme, elle est partie.

Morosement et pour extraire
L’arrièrefaix de ma colère,
Aigu d’orgueil, crispé d’effort,
Je râcle en vain mon cerveau mort.

Quant à mon âme, elle est partie.

Je voudrais me cracher moimême,
La lèvre en sang, la face blême :
L’ivrogne de son propre moi
S’éructerait en un renvoi.

Quant à mon âme, elle est partie.

Homme las de rage, qui rage
D’être lassé de son orage,
La vie en lui ne se prouvait
Que par l’horreur qu’il en avait.

Quant à mon âme, elle est partie.

Mes poings ont tordu dans le livre
L’intordable fièvre de vivre ;
Ils ne l’ont point tordue assez
Bien que mes poings en soient cassés.

Quant à mon âme, elle est partie.

Le han du soir suprême, écoute !
S’entend làbas sur la grand’route ;
Clos tes volets c’est bien fini
Le morsauxdents vers l’infini.

Les bords de la route

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Publié dansEmile VerhaerenPoètes

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