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Je l’ai prise dans mes brasCharles Van Lerberghe

Je l’ai prise dans mes bras,
La petite sirène
Aux yeux éblouis.
Et voici qu’en chantant, ce soir, je la promène
En mon beau paradis.

Comme la lune sur la mer,
Sa longue chevelure bleue
Se mêle à la mienne,
Qui est d’or.
Sa belle queue
Traîne
Parmi les fleurs.

Comme elle a peur,
Comme son coeur bat sur mon coeur !

Je ne sais pas ce qu’elle pense.
Elle me regarde en silence,
De ses pâles yeux pleins d’effroi,
Où quelque étrange songe sommeille.
De la terre ils ne veulent
Rien voir que moi ;
Pour Elle, j’en suis la grande merveille,
Et le mystère.

Mais, parfois,
Elle étend les doigts,
Et touche l’air illuminé qui tremble,
Car la lumière et l’air ressemblent à la mer.
Et elle est triste, et parfois pleure.

Je veux la déposer, doucement, dans le fleuve,
Mon beau fleuve d’Eden, dont les divines eaux
S’en retournent parmi la chanson des roseaux
Vers la mer infinie, afin qu’il la ramène,
Heureuse et consolée, à ses soeurs les sirènes,
Et qu’elle joue encor, devant son miroir bleu,
A peigner en chantant ses longs et beaux cheveux,
Qu’ont effleurés, ce soir, quelques roses mortelles,
Et ces baisers humains que mes lèvres y mêlent.

La chanson d’Eve

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Publié dansCharles Van LerberghePoètes

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