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Toute la vie d’un coeur – 1817 – AdolescenceVictor Hugo

J’allais au Luxembourg rêver, ô temps lointain,
Dès l’aurore, et j’étais moimême le matin.
Les nids dialoguaient tout bas, et les allées
Désertes étaient d’ombre et de soleil mêlées ;
J’étais pensif, j’étais profond, j’étais niais.
Comme je regardais et comme j’épiais !
Qui ? La Vénus, l’Hébé, la nymphe chasseresse.
Je sentais du printemps l’invisible caresse.
Je guettais l’inconnu. J’errais. Quel curieux
Que Chérubin en qui s’éveille Des Grieux !
Ô femme ! mystère ! être ignoré qu’on encense !
Parfois j’étais obscène à force d’innocence.
Mon regard violait la vague nudité
Des déesses, debout sous les feuilles l’été ;
Je contemplais de loin ces rondeurs peu vêtues,
Et j’étais amoureux de toutes les statues ;
Et j’en ai mis plus d’une en colère, je crois.
Les audaces dans l’ombre égalent les effrois,
Et, hardi comme un page et tremblant comme un lièvre,
Oubliant latin, grec, algèbre, ayant la fièvre
Qui résiste aux Bezouts et brave les Restauds,
Je restais là stupide au bas des piédestaux,
Comme si j’attendais que le vent sous quelque arbre
Soulevât les jupons d’une Diane en marbre.

Recueil : Toute la lyre

Lectures : 1
Publié dansPoètesVictor Hugo

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