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Ballade de sa fidélité à la PoésieTheodore de Banville

Chacun s’écrie avec un air de gloire:

A moi le sac, à moi le million!

Je veux jouir, je veux manger et boire.

Donnez-moi vite, et sans rébellion,

Ma part d’argent; on me nomme Lion.

Les Dieux sont morts, et morte l’allégresse,

L’art défleurit, la muse en sa détresse

Fuit, les seins nus, sous un vent meurtrier,

Et cependant tu demandes, maîtresse,

Pourquoi je vis? Pour l’amour du laurier.
O Piéride, ô fille de Mémoire,

Trouvons des vers dignes de Pollion!

Non, mon ami, vends ta prose à la foire.

Il s’agit bien de chanter Ilion!

Cours de ce pas chez le tabellion.

Les coteaux verts n’ont plus d’enchanteresse;

On ne va plus suivre la Chasseresse

Sur l’herbe fraîche où court son lévrier.

Si, nous irons, ô Lyre vengeresse.

Pourquoi je vis? Pour l’amour du laurier.
Et Galatée à la gorge d’ivoire

Chaque matin dit à Pygmalion:

Oui, j’aimerai ta barbe rude et noire,

Mais que je morde à même un galion!

Il est venu, l’âge du talion:

As-tu de l’or? voilà de la tendresse,

Et tout se vend, la divine caresse

Et la vertu; rien ne sert de prier;

Le lait qu’on suce est un lait de tigresse.

Pourquoi je vis? Pour l’amour du laurier.
Envoi.
Siècle de fer, crève de sécheresse;

Frappe et meurtris l’Ange à la blonde tresse.

Moi, je me sens le coeur d’un ouvrier

Pareil à ceux qui florissaient en Grèce.

Pourquoi je vis? Pour l’amour du laurier.
Juillet 1861.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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