Aller directement au contenu

La VendangeuseTheodore de Banville

Toi dont les cheveux doux et longs

Se déroulent en onde fière,

Comme les flots de ta rivière,

O belle fille de Châlons !

Penche ta tête parfumée,

Que je puisse, ô ma bien-aimée !

Voir baigné par ces cheveux blonds

Ton riant profil de camée.
O fille d’un climat divin !

Tu naquis plus blanche qu’un cygne

Et ton grand-père dans sa vigne

Mouilla ta lèvre avec du vin !

Aussi, lorsque la primevère

Triomphe du climat sévère,

Loin du monde vulgaire et vain,

Vers les cieux tu lèves ton verre.
Toute à l’instant qu’il faut saisir,

Tu mords, et d’une ardeur pareille,

Aux raisins gonflés de la treille

Comme à la grappe du plaisir !

Et sur ta poitrine, où se noie

Une lumière ivre de joie,

Mûrissent les fruits du Désir

Comme une vendange qui ploie.
En tes veines, de toutes parts,

Bourguignonne aux tresses dorées,

Le sang des Bacchantes sacrées

Bouillonne dans ton sang épars,

Et tu tiens tes idolâtries

De ces guerrières des féeries

Qui conduisaient les léopards

Avec des guirlandes fleuries !
Il fut ton aïeul, cet amant

De la chanson ivre et sauvage,

Menant sur son char de feuillage,

Par l’Attique, un troupeau charmant !

C’est pourquoi, danseuse étourdie,

Tu fais d’une main si hardie

Carillonner joyeusement

Les grelots de la Comédie !
O vendangeuse ! tu souris,

Embrassons-nous jusqu’à l’ivresse !

Buvons encore, ô ma maîtresse !

Déroule tes cheveux chéris

Sur ces raisins ! car, ô merveilles !

Tes tresses blondes sont pareilles

Au soleil qui les a mûris,

Et ta bouche aux grappes vermeilles.

Septembre 1853.

Lectures : 0
Publié dansPoètesTheodore de Banville

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *