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Rue LobineauTheodore de Banville

Cela se traîne autour du marché Saint-Germain.

Cet être fabuleux qui n’a plus rien d’humain,

Grand corps en deux ployé, tas de choses flétries

Comme les vieilles dans les antiques féeries,

Vêtu de vieux tricots, de haillons, de gilets,

Spectre laissant pourrir sur de vagues mollets

Ces vils jupons mordus par le ruisseau vorace,

Où l’on ne voit plus rien que la boue et la crasse;

Le nez et le menton pointus; la bouche, écrin

Vide; sur le front noir, ces deux mèches de crin;

Ce fouillis de lambeaux affreux, de souquenilles;

Ces pieds entortillés dans de sales guenilles;

Oui, tout cela, — divine Hélène au front d’argent

Que la Lune, ta soeur, admirait en songeant!

Toi dont la jambe nue éblouissait le pâtre,

Diane! toi Laïs! vous Phryné, Cléopâtre!

Ève! toi dont les fleurs géantes et les cieux

Et les fleuves, avec leur chant délicieux,

Et les lions ravis disaient l’épithalame, –

Cela, tout cet amas d’horreurs, c’est une femme?
Mardi, 11 janvier 1887.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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