Aller directement au contenu

ParisienneTheodore de Banville

Irma qu’on voit partout, au Bois, au bal, aux Courses,

Dans son coupé, les pieds sur des fourrures d’ourses,

A tout coup réussit dans l’échange inégal

Du sourire ingénu contre le madrigal.

Naïve, glorieuse, ironique, frivole,

Son éventail est un papillon qui s’envole;

Son chapeau merveilleux comme une aube apparaît.

Pour elle c’est un fait constant qu’il ne serait

Pas digne d’inspirer nos meilleurs vers, ni sage

De n’être pas splendide à chaque vernissage.

Elle y brille, et l’on n’a pas vu de lampas tels

A l’exposition flambante des pastels.

Son caprice au ragoût des premières s’obstine,

Fleur de l’Académie et de la guillotine,

Puisque monsieur Deibler et l’excellent Pingard

Déplaceraient pour elle un député du Gard.

Irma, la charmeresse indolente, la sphinge

Qui croque la noisette avec son petit singe

Et qui, le matin, fête en son vague salon

Un prince chevelu comme un jeune Absalon,

Ce soir, dépenaillée, amusante et farouche,

Sans façon laisse errer des gueules sur sa bouche,

Et dans le monde ayant raflé quelques valeurs,

S’esclaffe au cabaret, soûle, avec des voleurs.

Mercredi, 6 avril 1887.

Lectures : 0
Publié dansPoètesTheodore de Banville

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *