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À Léon GatayesTheodore de Banville

Avec ses sanglots, l’instrument rebelle,

Qui sent un pouvoir plus fort que le sien,

Donne l’harmonie enivrante et belle

Au musicien.
Le cheval meurtri, qui saigne et qui pleure,

Cède au cavalier, rare parmi nous,

Dont aucun effort ne peut avant l’heure

Lasser les genoux.
De même d’abord, le Rhythme farouche

Devant la Pensée écume d’horreur,

Et, pour se soustraire au dieu qui le touche,

Se cabre en fureur.
Mais bientôt, léchant la main qui l’opprime,

Il marche en cadence, et comme par jeu,

Son vainqueur lui met le mors de la Rime

Dans sa bouche en feu.
Tu le sais, ami, toi dont l’Art s’honore,

Homme à la main souple, au jarret d’acier,

Qui fais obéir la harpe sonore

Et l’ardent coursier ;
Lorsque aimé d’Isis aux triples ceintures,

Un homme intrépide a baisé son sein,

La création et les créatures

Suivent son dessein.
Le Génie en feu donne à l’âme altière

Le Commandement, ce charme vanté,

Et l’Esprit captif dans l’âpre Matière

Cède épouvanté.
Mai 1855.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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