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LuneTheodore de Banville

Comme aux Cieux elle étincela,

Je la contemplai d’un oeil mâle,

Et la Lune me fit de la

Peine, tant je la voyais pâle.
Elle souffrait, j’en étais sûr,

Et sa face, comme assoupie,

Ressemblait à ce papier sur

Lequel on fait de la copie.
Au haut des célestes pourpris,

Avec ses pâleurs d’avalanche

Et de houppe à poudre de riz,

Elle était très blanche, oh! si blanche!
J’en sentais un trouble à mon flanc.

Voyant cela, je lui dis: Lune,

Quel est ce visage si blanc?

Car enfin, de deux choses l’une,
Ou tu défailles ou tu meurs,

L’âme épuisée et comme antique,

Ou bien c’est, pour plaire aux rimeurs,

Un déguisement romantique.
En tout cas, astre, hélas! transi

Devant le nuage qui bouge,

Par décence, au lieu d’être ainsi,

Tu devrais mettre un peu de rouge!
Mais la Lune aux lèvres d’argent

Me dit, sans être intimidée,

Avec un sourire engageant:

Du rouge! Eh! oui, c’est une idée,
Et l’on en met à Singapour.

Moi j’aime peu qu’on me diffame,

Et je me ferais passer pour

Etre aussi folle qu’une femme!
29 septembre 1888.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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