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Les grues…Francis Jammes

À Pierre Loti
Les grues sont passées dans le ciel gris et leurs longues

lignes filaient en grinçant, cris de neige et d’ombre ;

c’est la saison où l’on va pour orner les tombes.
Les misérables, les aveugles mendieront

avec leurs mains rouges et luisantes. Ils iront

mourir dans les soirs noirs en riant de frissons.
Les bêtes souffriront. J’ai vu un vieux mendiant

avec des taches sur les yeux et maltraitant

son pauvre chien la queue sous le ventre, tremblant.
Il le traînait, l’étranglant avec une corde,

disant : je l’ai jeté à l’eau trois fois. La corde

a cassé. Il revient, le cochon ! Et la corde
tirait. Et le vieux chien, compagnon de misère

de ce vieux, semblait lui dire : laisse-moi sur terre

m’accrocher encore à tes habits pleins de poussière.
Et lui, étant homme, plus mauvais que le chien,

disait : cochon ! cochon ! va ! je te noierai bien…

Et ils allaient tous deux sous le grand ciel d’étain.

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Publié dansFrancis JammesPoètes

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