Le paysage n’est plus égayé par des jardins ou des forêts
C’est la plaine nue et morne où s’élève à peine de loin en loin
Une touffe de bambous
Un saule rabougri
Un eucalyptus tordu par les vents
Puis c’est le marais
Vous voyez ces fumées jaunâtres
Ce brouillard gris au ras du sol agité d’un tressaillement perpétuel
Ce sont des millions de moustiques et les exhalaisons jaunes de la pourriture
Il y a là des endroits où les noirs eux-mêmes ne sauraient vivre
De ce côté le rivage est bordé de grands palétuviers
Leurs racines enchevêtrées qui plongent dans la vase
sont recouvertes de grappes d’huîtres empoisonnées
Les moustiques et les insectes venimeux formait un
nuage épais au-dessus des eaux croupissantes
A côté des inoffensives grenouilles-taureaux on aperçoit
des crapauds d’une prodigieuse grosseur
Et ce fameux serpent-cercueil qui donne la chasse à
ses victimes en gambadant comme un chien
Il y a des mares où pullulent les sangsues couleur ardoise
Les hideux crabes écarlates s’ébattent autour des caïmans
endormis
Dans les passages où le sol est le plus ferme on rencontre
des fourmis géantes
Innombrables et voraces
Sur ces eaux pourries dans ces fanges vénéneuses
S’épanouissent des fleurs d’un parfum étourdissant et d’une senteur capiteuse et têtue
Éclatent des floraisons d’azur de pourpre
Des feuillages chromés
Partout
L’eau noire se couvre d’un tapis de fleurs que troue la tête plate des serpents
J’ai traversé un buisson de grands mimosas
Us s’écartaient de moi sur mon passage
Os écartaient leurs branches avec un petit sifflement
Car ce sont des arbres de sensibilité et presque de nervosité
Au milieu des lianes de jalap pleines de corolles parlantes
Les grands échassiers gris et roses se régalent de lézards croustillants et s’envolent avec un grand bruit d’ailes à notre approche
Puis ce sont d’immenses papillons aux couleurs de soufre de gentiane d’huile lourde
Et des chenilles de taille
Blaise Cendrars
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