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A Henri HeineTheodore de Banville

O poëte ! à présent que dans ta chère France,

L’Amante au froid baiser t’a pris à la souffrance,

Et que sur ton front pâle, encore endolori,

Le calme harmonieux du trépas a fleuri ;

A présent que tu fuis vers l’astre où la musique

Pure t’enivrera du rhythme hyperphysique,

Tu soulèves la pierre inerte du tombeau,

Et, redevenu jeune, enthousiaste et beau,

Loin de ce monde empli d’épouvantes frivoles,

Libre de tous liens, mon frère, tu t’envoles

Aux rayons dont fourmille et frémit l’éther bleu,

Le visage riant comme celui d’un dieu !

Vêtu du lin sans tache et de la pourpre insigne,

Couronné, rayonnant, tu joins la voix du cygne

Au concert que faisaient dans le désert des cieux

Les sphères gravitant sur leurs légers essieux ;

Glorieux, tu redis les chants qui sur la terre

N’ont fléchi que le tigre et la noire panthère,
Et tu vois accourir vers toi, ravis d’amour,

Les constellations et les lys. A l’entour,

Sous le voile meurtri d’une Aurore qui saigne,

La lumière en pleurant dans ton ode se baigne ;

Dans les jardins de feu, les roses de mille ans

Pour la boire ont ouvert des calices brûlants ;

La vigne et les raisins de l’immortelle joie,

Rougissants de désirs sous la treille qui ploie,

Laissent pendre leurs fruits gonflés sur les chemins,

Et toi, vers les rameaux tendant tes belles mains

Heureuses de cueillir les célestes vendanges,

Tu montes dans l’azur en chantant des louanges !
Février 1856.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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