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ApothéosesTheodore de Banville

C’est bien fait, ô ma sœur,

Et je succombe,

Mais avec la douceur

D’une colombe.
En noyant ma raison

Dans mon extase,

J’ai béni le poison

Et le beau vase.
Même, j’ai traversé

Sans épouvante

L’heure où tu m’as versé

L’horreur vivante.
J’ai bu le flot profond

Avec délice ;

L’ivresse était au fond

Du noir calice.
Je te donne à présent,

(Car je t’adore !)

Le laurier verdissant

Qui me décore.
Arraché par mes vers

A l’onde noire,

Mes chants à l’univers

Diront ta gloire.
Près du ciel azuré

Qui nous menace,

Joyeux, je t’assoierai

Sur le Parnasse.
Là, recueillant le fruit

De mon délire,

Ta voix sera le bruit

Que fait ma lyre ;
Et tu joueras, enfant

Né de Thalie,

Dans le flot triomphant

De Castalie.
Dans les bois écartés,

Ces lèvres roses

Jetteront des clartés

D’apothéoses ;
Mon sang versé par jeu,

Sainte blessure !

Sera la pourpre en feu

De ta chaussure ;
Et, comme en ce dessein

Je t’ai choisie,

Tu laveras ton sein

Dans l’ambroisie.
Mais, couronnant ton front

Pur de souillure,

Des rayons d’or seront

Ta chevelure ;
Et tes yeux, où sourit

Ma douleur morte,

Reflèteront l’esprit

Qui me transporte.
O ma divinité

Victorieuse,

Pendant l’éternité

Mystérieuse,
Tes yeux, insoucieux

De nos désastres,

Seront comme des cieux

Éclatants d’astres.

Février 1861.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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