I
Tu me dois ta photographie
 À la condition que je
 Serai bien sage — et tu t’y fies !
 Apprends, ma chère, que je veux
 Être, en échange de ce don
 Précieux, un libertin que
 L’on pardonne après sa fredaine
 Dernière en faveur d’un second
 Crime et peut-être d’un troisième.
 Celle image que tu me dois
 Et que je ne mérite pas,
 Moyennant ta condition
 Je l’aurais quand même tu me
 La refuserais, puisque je
 L’ai là dans mon cœur, nom de Dieu !
II
 Là ! je l’ai, ta photographie
 Quand t’étais cette galopine,
 Avec, jà, tes yeux de défi,
 Tes petits yeux en trous de vrille,
 Avec alors de fiers tétins
 Promus en fiers seins aujourd’hui.
 Sous la longue robe si bien
 Qu’on portait vers soixante-seize
 Et sous la traîne et tout son train,
 On devine bien ton manège
 D’abord jà, cuisse alors mignonne,
 Ce jourd’huy belle et toujours fraîche ;
 Hanches ardentes et luronnes,
 Croupe et bas ventre jamais las,
 À présent le puissant appât,
 Les appas, mûrs mais durs qu’appètent
 Ma fressure quand tu es là
 Et quand tu n’es pas là, ma tête !
III
 Et puisque ta photographie
 M’est émouvante et suggestive
 À ce point et qu’en outre vit
 Près de moi, jours et nuits, lascif
 Et toujours prêt, ton corps en chair
 Et en os et en muscles vifs
 Et ton âme amusante, ô chère
 Méchante, je ne serai « sage »
 Plus du tout et zut aux bergères
 Autres que toi que je vais sac-
 Cager de si belle manière ;
 — Il importe que tu le saches —
 Que j’en mourrai, de ce plus fier
 Que de toute gloire qu’on prise
 Et plus heureux que le bonheur !
 Et pour la tombe où mes gens gisent,
 Toute belle ainsi que la vie,
 Mets, dans son cadre de peluche,
Sur mon cœur, ta photographie.
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