Au fond du parc qui se délabre, 
Vieux, désert, mais encor charmant 
Quand la lune, obscur candélabre, 
S’allume en son écroulement,
Un moineau-franc, que rien ne gêne, 
A son grenier, tout grand ouvert, 
Au cinquième étage d’un chêne 
Qu’avril vient de repeindre en vert.
Un saule pleureur se hasarde 
À gémir sur le doux gazon, 
À quelques pas de la mansarde 
Où ricane ce polisson.
Ce saule ruisselant se penche ; 
Un petit lac est à ses pieds, 
Où tous ses rameaux, branche à branche, 
Sont correctement copiés.
Tout en visitant sa coquine 
Dans le nid par l’aube doré, 
L’oiseau rit du saule, et taquine 
Ce bon vieux lakiste éploré.
Il crie à toutes les oiselles 
Qu’il voit dans les feuilles sautant : 
— Venez donc voir, mesdemoiselles ! 
Ce saule a pleuré cet étang.
Il s’abat dans son tintamarre 
Sur le lac qu’il ose insulter : 
— Est-elle bête cette mare ! 
Elle ne sait que répéter.
Ô mare, tu n’es qu’une ornière. 
Tu rabâches ton saule. Allons, 
Change donc un peu de manière. 
Ces vieux rameaux-là sont très longs.
Ta géorgique n’est pas drôle. 
Sous prétexte qu’on est miroir, 
Nous faire le matin un saule 
Pour nous le refaire le soir !
C’est classique, cela m’assomme. 
Je préférerais qu’on se tût. 
Çà, ton bon saule est un bonhomme ; 
Les saules sont de l’institut.
Je vois d’ici bâiller la truite. 
Mare, c’est triste, et je t’en veux 
D’être échevelée à la suite 
D’un vieux qui n’a plus de cheveux.
Invente-nous donc quelque chose ! 
Calque, mais avec abandon. 
Je suis fille, fais une rose, 
Je suis âne, fais un chardon.
Aie une idée, un iris jaune, 
Un bleu nénuphar triomphant ! 
Sapristi ! Il est temps qu’un faune 
Fasse à ta naïade un enfant. —
Puis il s’adresse à la linotte : 
— Vois-tu, ce saule, en ce beau lieu, 
A pour état de prendre en note 
Le diable à côté du bon Dieu.
De là son deuil. Il est possible 
Que tout soit mal, ô ma catin ; 
L’oiseau sert à l’homme de cible, 
L’homme sert de cible au destin ;
Mais moi, j’aime mieux, sans envie,  
Errer de bosquet en bosquet, 
Corbleu, que de passer ma vie 
À remplir de pleurs un baquet ! —
Le saule à la morne posture, 
Noir comme le bois des gibets, 
Se tait, et la mère nature 
Sourit dans l’ombre aux quolibets 
Que jette, à travers les vieux marbres, 
Les quinconces, les buis, les eaux, 
À cet Héraclite des arbres 
Ce Démocrite des oiseaux.
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