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GrâcesAlain Bosquet

Tu dois dire merci à cette chair,

de t’avoir mis au monde :

un azur infernal.

Tu dois dire merci à l’inconnu,

que par respect ou par défi tu nommes
Dieu.

Tu dois dire merci

— elle mérite la tendresse —

à cette rose qui n’est rose

que pour te faire mal.

Tu dois dire merci à ce vieux fleuve

puisque tu le vénères,

voulant te comparer à lui.

Tu dois dire merci à cet oiseau,

rossignol ou vautour,

de n’être pas semblable à toi.

Tu dois dire merci, quarante fois merci,

face à cet océan, pour le plaisir du mot

et pour la volupté du verbe.

Tu dois dire merci

au doute, à la merveille, à la métamorphose,

car ils t’obligent

à te réinventer.

Tu dois dire merci à cette mort qui te rend à la flamme, à la neige et au sable dont tu es fait mais qui ont pour honneur de te défaire.

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Publié dansAlain BosquetPoètes

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