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La pipe au poèteTristan Corbiere

Je suis la Pipe d’un poète,
Sa nourrice, et : j’endors sa Bête.

Quand ses chimères éborgnées
Viennent se heurter à son front,
Je fume… Et lui, dans son plafond,
Ne peut plus voir les araignées.

… Je lui fais un ciel, des nuages,
La mer, le désert, des mirages ;
– Il laisse errer là son œil mort…

Et, quand lourde devient la nue,
Il croit voir une ombre connue,
– Et je sens mon tuyau qu’il mord…

– Un autre tourbillon délie
Son âme, son carcan, sa vie !
… Et je me sens m’éteindre. – Il dort –

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

– Dors encor : la Bête est calmée,
File ton rêve jusqu’au bout…
Mon Pauvre !… la fumée est tout.
– S’il est vrai que tout est fumée…

Paris. – Janvier.

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Publié dansPoètesTristan Corbiere

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