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La PromenadeTheodore de Banville

Oui, nous dit le pâle Ramon,

Dont la tristesse fut touchante,

Même ici, je regrette mon

Pays, où la lumière chante.
Chaque Parisienne, au Bois,

Reluit comme une friandise

Et nous met le coeur aux abois;

Mais, permettez que je le dise,
Rien n’est plus splendide et vermeil

Que l’Alameda de Grenade,

A l’heure fauve où le soleil

Teint de ses feux la promenade.
Les myrtes et les blancs jasmins,

Groupés en corbeilles hautaines,

Embaument tout l’air des chemins,

Où se lamentent les fontaines.
Le zéphyr frissonne, subtil,

Dans le feuillage de chaque arbre,

Et le beau fleuve, le Genil,

Arrive dans son lit de marbre.
Il descend vers l’Alameda;

Son flot, sur les monts grandioses,

Vient de la sierra Nevada

Dont les escarpements sont roses.
L’oeillet rouge sur le chignon,

Le front riant sous leurs mantilles,

Passent, d’un pas leste et mignon,

Les dames et les jeunes filles.
On voit briller leurs dents d’émail,

Et leur main folâtre, qui joue,

Fait caresser par l’éventail

Les pâles roses de leur joue.
Que de fières beautés sont là!

Gracia dont le front se dore,

Dolorès, Teresa, Gala,

Martirio que tout adore;
Carmen, dont le vent querelleur

Baise en riant la blancheur mate.

Et Juana dont la bouche en fleur

Est une grenade écarlate!
Paris, décembre 1879.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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