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La RencontreRoland Dubillard

Il a fait semblant de ne pas m’avoir vue,

mais j’ai bien vu alors qu’il ne voyait plus rien ;

et quand je l’ai perdu de vue,

pendant des heures on m’a dit

qu’il a fait le tour de la ville.

Je l’ai vu revenir de très loin et tout droit, à la façon de ceux qui savent bien mon nom ; et il m’a dit aussi ce qu’ils me disent.
Mais je ne l’ai pas entendu.

Je me disais : que va-t-il devenir ?

Combien de temps demanderont ses yeux?

Car ses yeux n’étaient pas de leur couleur encore;

en sorte que ce n’est pas vraiment lui

qu’à cet instant j’ai vu venir,

mais sa main, qui venait la première’.

Et tandis que cette main à la rencontre de la mienne

venait, pareille à des oiseaux,

j’aurais juré que je devenais pâle et trouble

comme font, lorsqu’on les approche, les nuages.

Et lui, voyant que je ne pensais plus à moi

que comme à des oiseaux qui s’éloignent,

il dit : je reviendrai.

Et il a redressé autour de moi les champs,

et remis le bois dans ses lignes.

Et les reflets des feuilles dans le fleuve

il les a replacés dans l’arbre avec les feuilles ;

et sous ses yeux le fleuve a retrouvé sa vraie couleur.

Et moi, quand il est revenu, j’étais très claire,

à cause de mes yeux qu’il regardait.

Et quand il m’a touchée, j’ai vu s’ouvrir,

à leur vraie place, et calmes,

les cailloux du jardin comme une maison blanche.

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Publié dansPoètesRoland Dubillard

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