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La VieLouisa Siefert

Lors de ma dix-septième année,

Quand j’aimais et quand je rêvais,

Quand, par l’espérance entraînée,

J’allais, riant des jours mauvais ;

Quand l’amour, ce charmeur suprême,

Endormait le soupçon lui-même

Dans mon cœur craintif et jaloux ;

Quand je n’avais pas d’autre envie

Que de passer toute ma vie

Entre ma mère et mon époux,
J’avais une joie indicible

A contempler dans l’avenir

Ces tableaux d’un bonheur paisible

Qui ne devait jamais finir :

Le foyer, les soins du ménage,

C’était, à la fleur de mon âge,

Tout ce que j’ambitionnais ;

Et, les yeux pleins de ce mirage,

Malgré les menaces d’orage,

Au courant je m’abandonnais.
Aujourd’hui, sans trouble ni peine,

Ni remords, je songe au passé.

Tout a fui, l’amour et la haine

Qui tentaient mon cœur oppressé.

Je sonde ma vieille blessure,

Et, presque en tremblant, je m’assure

Que je survis à tant d’efforts.

Tel, à la fin d’une campagne,

Sous l’émotion qui le gagne,

Un général compte ses morts.
Lors de ma dix-septième année,

Je rêvais la vie ; à présent

Je la juge, encore étonnée,

Mais ne blâmant ni n’accusant.

Beaucoup d’illusions chéries,

Derrière moi, gisent flétries

A chaque étape du chemin.

Cependant que regretterai-je ?

Dès qu’un tourment nouveau m’assiège,

L’Éternel me prend par la main.
J’ai compté plus d’une heure sombre,

Mon espérance m’a menti.

Des maux, des tristesses sans nombre

Courbent mon front appesanti.

J’ai fait l’apprentissage austère

Qu’il faut que toute âme sur terre

Fasse aux dépens de son bonheur ;

Qu’importe ! ma paix va renaître,

Puisque ainsi j’appris à connaître

L’immense bonté du Seigneur !
Septembre 18…

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Publié dansLouisa SiefertPoètes

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