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Le havre de graceRaymond Queneau

Il oe faut pas chercher espace et souvenir

Dans la poussière énorme où dorment les maisons

Il ne faut pas chercher le temps et la mémoire

Dans la ferraille obscure où s’ébrèchent les toits

Je n’aurai pas cherché le vin ni le plaisir

Dans le vide indigo d’une fenêtre aveugle

Je n’aurai pas cherché le moment et l’histoire

Dans les rues abruties sous le poids des murailles

Les plans retraceront cette topographie

Les archives créeront cette chronologie

La mort s’affirme pure au creux des brèches sèches

Le sable se répand sur les jardins majeurs

Et l’école écroulée aspire mon enfance

Squelettes d’épiciers squelettes de tailleurs

Cadavre dispersé de la vieille libraire

On a tué tous les murs on a tué la lumière

Déjà des souvenirs commençaient à crever

On a tué tous les murs bétail supplémentaire

Je meurs par tout quartier
La ville tout entière

Saute dans le matin en petites poussières

Dont l’une fut mon cœur dont l’autre fut ma main

Et ma tête et mon pied et mes cahiers scolaires

Et l’angoisse et le pain et les jeux et la nuit

Un balai un balai pour toute la poussière

Je suis si mort déjà que je puis rire aux larmes

Et la mer lessivait ce qui veut bien blanchir

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Publié dansPoètesRaymond Queneau

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