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Le PianoTheodore de Banville

Tant pis, j’aime le piano!

Mon maître, au fond de la Scythie

Fort connu, comme à Landerneau,

Aimait l’araignée et l’ortie.
Et pourquoi? Parce qu’on les hait.

Pour moi, j’aime, épris de chimères,

Le piano, parce qu’il est

Plus haï que les belles-mères.
Un rayon sur mon front a lui,

Lorsque l’heure du thé ramène

Ce monstre, affreux comme celui

Du long récit de Théramène.
Devant les dames à turban,

A ses voeux j’aime à condescendre,

Quand sa croupe se recourbe en

Replis de bois de palissandre.
N’ayant pas tremblé pour si peu,

Je supporte ses airs farouches

Et même, le terrible jeu

De ses dents, qu’on nomme: des touches.
Eh! oui, le piano, Meyer

Beer admettait cet ustensile,

Et c’est pourquoi Ernest Reyer

Me semble un peu trop difficile.
Implorant les cieux parfois sourds

Où passent des guerriers équestres,

J’en conviens, je n’ai pas toujours

Sous ma main de puissants orchestres.
Or, pour oublier les méchants

Si, pâle et l’oeil de pleurs humide,

J’ai besoin d’entendre les chants

Célestes d’Orphée ou d’Armide, –
O Vérité, sors de ton puits!

Lorsque ce désir fou m’étrangle,

Dis-nous cependant si je puis

Me les jouer sur le triangle!
4 août 1888.

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Publié dansPoètesTheodore de Banville

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