Aller directement au contenu

Salve!Theodore de Banville

Un chariot t’emporte, à l’heure où l’aube naît.

Cochon vorace en qui l’homme se reconnaît,

Cochon rose, à travers Paris qui vient d’éclore,

Sous les premiers rayons frissonnants de l’aurore,

Splendide orfèvrerie où brille un cabochon,

Pauvre être que baisait la lumière, Cochon,

Tu vas, mal secouru par ton pauvre génie,

Mourir sous le couteau comme une Iphigénie,

Et quand tu tomberas sous le coup meurtrier,

On mettra sur ta tête affreuse un noir laurier.

Hier pourtant, ignorant encor la peine dure,

Tu te vautrais dans les délices de l’ordure,

Heureux, sordide, en proie à tes vils appétits,

Auprès de ta femelle et de tous ses petits.

O Cochon monstreux, goulu, pareil à l’homme,

Tu semblais dans ta fange un empereur de Rome;

Alors, taché de rose, éblouissant, vermeil,

On eût dit que sous les caresses du soleil

Tu marchais dans les ors fous des apothéoses,

Et qu’il pleuvait sur toi de la flamme et des roses.
Samedi, 21 mai 1887.

Lectures : 0
Publié dansPoètesTheodore de Banville

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *