Aller directement au contenu

Soir de BretagneAnatole Le Braz

Sur les coteaux pâlis flotte une ombre indécise :
Au portail de la ferme une femme est assise,
Qui, d’un refrain breton vaguement fredonné,
Dans ses bras arrondis berce son premierné ;
Sous le corsage étroit où s’amincit son buste
Pointent deux jeunes seins, gonflés d’un lait robuste ;
Son regard, à travers le ciel mourant, poursuit
Un songe ailé de mère heureuse. Dans la nuit
Qui déjà sur les champs assoupis se condense,
Monte un bruit de sabots qui sonnent en cadence ;
Le pas s’approche : un homme apparaît, vigoureux
Et svelte, balançant au fond du chemin creux
Son torse où pend sa veste accrochée à l’épaule ;
D’un geste bucolique, il porte en main la gaule
Dont le houx encor vert s’achève en aiguillon ;
Il dégage en marchant une odeur de sillon,
L’âpre et saine senteur de la terre éventrée.
La femme, à son aspect, dans la ferme est rentrée :
Une lampe, soudain, comme un signal d’amour,
Brille. L’homme franchit le pailler de la cour.
Derrière lui, le col tendu, la croupe haute,
Ses boeufs cornouaillais obliquent, côte à côte,
Vers l’étable où le foin s’émèche aux râteliers.
Quand, repus, ils ont clos leurs yeux ensommeillés,
On peut voir,comme aux temps divins de l’Évangile,
Par un carreau de vitre enchâssé dans l’argile,
Une étoile poser son rayon caressant
Sur les grands mufles roux qu’aima Jésus naissant.

Recueil : Poèmes votifs

Lectures : 0
Publié dansAnatole Le BrazPoètes

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *