Une peinture en mouvement qui tourne autour d’un objet immobile et masqué
      Des transparences qui deviennent, opaques en chantant avec une voix d’enfant
      Une musique invisible et silencieuse qui vous donne mauvaise conscience
      Une montagne de ficelles embrouillées et pleines de fourmis
      Des colonnades de vaisselle sale, les splendeurs de la pollution
      Les surfaces rampantes qui se gonflent ei fument dangereusement
      Des rêves provoqués par une équipe (un analyste, un peintre, un chimiste, un poète, un policier, un masseur) pour ouvrir les coffres et les crânes.
      Des véhicules inhabitables, des monuments qui pensent pour tout le monde avant de nous dévorer.
      Un tableau qui s’efface si on le regarde (ou qui se transforme en murmure)
      Des rires qui soulèvent des orages, des méditations stupides qui s’effondrent et ensevelissent des peuples entiers
      Un souvenir qui déforme le visage à la vitesse du vent.
      Une voix monotone que l’on ne peut arrêter
      car elle habite les cloisons
      Un théâtre permanent aux dimensions d’une
      capitale, posé sur de vrais
      tremblements de terre
      Un bain d’où l’on sort rajeuni, mais dépouillé
      de toute chair
      La barbarie dans le velours, les excréments sur le parvis des temples (ils se déroulent et deviennent cobras)
      Un miroir qui se referme sur une femme et la déguste lentement
      L’avenir qui se retourne tout à coup et consume le promeneur.
      Un parfum pénétrant qui est la clé —
      mais que l’on perd
      Une tombe qui vient toute seule quand
      on l’appelle
      Un soupir inconnu une horloge abandonnée
      aux corbeaux
      Le soleil qui s’éteint sur la mer et ne remontera jamais plus.
Jean Tardieu
Soyez le premier à commenter