Aller directement au contenu

VieillirRaymond Queneau

Ma jeunesse est finie

Ma jeunesse est partie

Je reste sur le cul

avec quarante ans d’âge

J’ai pris le pucelage

de la maturité

Me voilà qui grisonne

me voilà qui bedonne

je tousse et je déconne

déjà déjà déjà

Ah quand j’étais jeune homme

que j’étais heureux! comme

un lézard au soleil

regardant mes orteils

brunir au bord de l’eau

et mon abencérage

dresser son chapiteau

Les années comptaient peu

les jours étaient légers

et toutes les nuits douces

Le ciel était bien bleu

les lunes étaient rondes

la neige était bien tiède les blondes étaient blondes
J’avais une cravate en soi-e naturelle le mollet fort agreste le pied bon comme l’œil oui oui mais maintenant c’est bien bien différent suis suis à bout de course je dévale la pente dies irae dies illa sic ibo ad astra mais comme ce farceur tombant d’un ascenseur disait aux spectateurs des différents étages qui le regardaient choir « jusqu’à présent ma foi ça ne va pas trop mal j’espère fermement que ça continuera encore un peu comme ça » ainsi malgré les ans la ride et l’urinai le bide et l’emphysème la toux et un moral tant soit peu nostalgique philosophiquement je vieillis essayant de jouïr de mon reste
Sans feu et sans charbon sans lard et sans lardons sans œufs sans cinéma

sans ouisqui sans soda sans beurre sans taksi sans thé ni chocolat j’écris quelques poèmes qui valent je l’espère ceux que j’élaborais lorsque j’avais vingt ans je les signais d’ailleurs de la même façon q-u-e-n-e-a-u-r-a-i grec mond

Lectures : 0
Publié dansPoètesRaymond Queneau

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *