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VulgaireAlain Bosquet

Je composais autrefois des cantates

et je jouais du luth.
Je m’occupe aujourd’hui de ma prostate,

et le seul uppercut

est celui que je lance aux cellulites

étouffant mon cerveau.
Je suis vulgaire ; ailleurs sont les élites !

Je suis un plat de veau

avec au fond de moi quelques endives

dont je fais mes rondeaux.
Faible est le jour et plus rien ne m’arrive :

ma fable a mal au dos.

Je grogne contre moi comme un concierge

qui a perdu ses clous.
Ma femme bâille ; où sont les jeunes vierges

poursuivies par les loups ?

Mon pain qui n’est pas frais, je me le coupe

en massacrant un vers.
Je crache, mythomane, dans ma soupe

et j’attends le cancer.

Jadis je menaçais l’azur superbe

et la licorne d’or.
On me trouve ce soir couché sous l’herbe :

ma muse ronfle et dort.

Le merveilleux, ce n’est plus mon affaire :

je suis son retraité.
Ma poésie se fera grabataire

quand reviendra l’été.

En attendant, je brûle ces volumes

car mon vieux cœur a froid.
Si vous me ramassez — jolie coutume ! —

rependez-moi plus droit.

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Publié dansAlain BosquetPoètes

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